jeudi 5 avril 2012


DU culturel
A Macky Sall et Abdoul Mbaye qui ne savent pas « ce que culture veut dire »

Parler de la culture, c’est rendre compte de l’œuvre et de l’ingéniosité humaines. L’idée de culture verse vers une certaine notion de travail : cultiver, c’est travailler. La culture renvoie à l’œuvre humaine en tant que celle-ci se veut  dépassement et négation de la naturalité de l’homme.  La culture est un processus d’acquisition de nouvelles dispositions et aptitudes consolidant les conditions d’existence de l’homme. Cultiver la terre ou cultiver l’esprit, le concept reste le même : enrichir l’élément sur lequel porte cette opération. Cultiver, c’est mettre en valeur.
Ainsi, par le travail, l’homme aspire à transformer sa nature propre et celle qui l’environne.  Le travail, aux yeux de Hegel, est négation et dépassement : la nudité naturelle est niée ou dépassée par le vêtement, le cri ou gémissement naturels par la parole ou langage articulé. La problématique est de percevoir que l’homme, et l’homme seul, est capable de nier ou de dépasser la nature parce que disposé à se mettre face à elle : l’animal fait corps avec la nature ou se prolonge en elle.
La culture figure le travail prenant forme dans le projet d’humaniser  le  « zoon logikon » ainsi que la nature. Elle renvoie à cette activité transformatrice du « déjà là » et productrice d’infrastructures (ponts, routes, hôpitaux, établissements scolaires, terrains des sports, marchés  pour ne citer que ceux-là.  Dès lors, nous pouvons comprendre que l’existence humaine est ponctuée d’artifices : rien de ce que fait l’homme, rien de ce qui fait l’homme  n’est naturel. La réalité humaine est foncièrement culturelle. Dire l’homme, c’est déjà parler du culturel. Il est un animal, et, partant un être de la nature ; mais il est un animal particulier, car refusant sa condition naturelle ; d’où l’écho qui nous vient de Georges Bataille : « Je pose en principe un fait peu contestable : que l’homme est l’animal qui n’accepter pas le donné naturel, qui le nie. »
La culture est tout ce qui porte l’empreinte humaine. Elle figure la notion de travail ainsi que tout ce que celle-ci engage : production de biens, de matériels, d’objet, d’outils (langage, science, religion, etc.) La culture est aussi le mode d’être d’un peuple, d’une société : ses aspirations, ses valeurs, ses croyances, ses idéaux, son passé. C’est la façon bien précise qu’un peuple ou société voit et entreprend la vie.  Jacques Maquet remarque: « Une culture est ensemble complexe d’objets matériels, de comportements, d’idées, acquis dans une mesure variable par chacun des membres d’une société déterminée »
La saisie effective de l’homme, dans son existence, montre qu’il s’est à jamais décroché de sa nature originelle. Sous cet angle, la culture s’offre comme cet ensemble historiquement et géographiquement défini des institutions caractéristiques d’un type de société bien précis et qui figure « non seulement les productions artistiques, scientifiques, religieuses et philosophiques d’une société, mais encore ses techniques propres, ses coutumes politiques et les mille usages qui caractérisent la vie quotidienne ». (Margaret Mead)
La nature humaine est, dans le même temps, soumise à ce « travail du négatif » (Hegel) dont les couleurs sont fournies par la culture. Dans la dynamique de l’anthropologie anglo-saxonne, la culture témoigne de cette série de représentations de comportements ou conduite, de procédés acquis par les groupes humains en tant que société. Rappelons que la « société » est proprement humaine et qu’il faut la distinguer des « communautés animales » régies par  le seul déterminisme naturel.  Dans la vie de l’homme, l’acte biologique  est toujours accompagné d’une image socio-culturelle : manger est un acte biologique et la modalité du manger porte les empreintes d’une socio-culture bien déterminée. C’est la culture qui a appris à l’homme à habiller, tatouer, orner, maquiller son corps : toute chose rappelant le dépassement et la négation du naturel par le culturel. C’est ainsi que Marcel Mauss parle des « techniques du corps » dont il dit qu’elles sont l’apanage de  l’homme.
La culture s’applique  également à l’intellect. La raison est certes naturelle (comme la langue, organe rendant possible le parler). En revanche, le raisonnement est culturel : l’homme a appris à raisonner, à penser, à calculer. Rousseau dira à cet effet que  l’être raisonnant est « un animal dépravé ». La raison est en latence chez l’homme et a besoin de stimulant pour être opérationnelle. Les astuces, qui la réveillent,  relèvent de l’éducation. L’homme est naturellement préparé à parler, mais, c’est la société qui lui apprend une langue plutôt qu’une autre. C’est l’opérationnalité de la raison qui permet  de retrouver une possibilité  de rendre souples, malléables les plussions. Ce travail rappelle  l’invitation kantienne à éduquer de « bonne hure » les enfants afin de les préparer à devenir humains.  L’homme n’est pas  né humain. Il doit le devenir. Il s’agit d’une humanisation ; d’où l’écho qui nous vient de Kant : « La discipline transforme l'animalité en humanité. Par son instinct,  un animal est déjà tout ce qu'il peut être, une raison étrangère a déjà pris soin de tout pour lui. Mais l'homme doit user de sa propre raison. Il n'a point d'instinct et doit fixer lui-même le plan de sa conduite. » Par « discipline », Kant entend « éducation » qui, d’une manière ou d’une autre,intègre l’homme dans le dispositif socio-culturel. Il s’agi de l’acculturation qui s’entend comme le processus par lequel « l’homme »  accède au stade d’humain via la culture.
Du coup, nous soutenons : le culturel ne se réduit et ne saura se réduire au folklorique. Le théâtre, la musique, le cinéma, la danse né définissent pas le culturel. Certes, ils participent des formes d’expression de la culture. Mais, ils ne tiennent pas lieu de la culture. La culture, en vérité, est beaucoup plus sérieuse, beaucoup  plus  profonde, beaucoup plus belle  que ces pittoresques représentations. La culture est l’âme même des sociétés humaines. C’est ce qui les fait vivre. Dire la culture, c’es dire l’essence des groupes humain. La culture est ce sans quoi l’humanité bascule inéluctablement vers la nature qu’elle a déjà quittée.  L’histoire, les traditions, les religions, les valeurs, le permis, l’interdit, les règles ou normes sociales, les repères axiologiques, les us, les coutumes, les aspirations, bref l’existence même : voici le culturel. La culture, c’est la vie même. Rien de ce que l’homme fait, rien de ce qu’est l’homme ne sort du culturel.
La culture est le mode d’être d’un peuple. C’est la modalité par laquelle la société conçoit la vie et établit ses  références. Il y a plusieurs peuples, plusieurs sociétés. En d’autres termes, chacune des sociétés rencontrées offre une culture bien précise dont l’arrière-fond reste cet « ensemble articulé de représentations, de croyances, de valeurs qui constitue la grille de lecture à travers » (François Chenet) laquelle elle interprète et négocie sa propre existence. Aucune de ces cultures ou modes d’être des sociétés ne peut ni doit revendiquer le titre de supériorité : toutes les cultures se valent. Voilà pourquoi le relativisme en arrive à l’idée d’un pluralisme des paradigmes culturels.
Le mépris culturel, nourri le plus souvent par l’occident et dû à un complexe de supériorité, montre une certaine étroitesse, une certaine fermeture de l’esprit occidental sur lui-même. En effet, dans ses réflexions sur la « nature humaine », Edgar Morin considère qu’elle est riche dans les principes d’égalité et d’identité. En revanche, le contenu que l’on reconnait à l’idée d’une « nature humaine » souffre d’une rupture avec la réalité même ; d’où cette remarque de Morin : « La vacuité physique et biologique de son contenu était en fait remplie par les images socio-culturelles propres à l’occident moderne. Une telle vision réductrice ne pouvait concevoir la diversité et la différence »
Ainsi, avec le relativisme valorisant le différencialisme et le dialogue des cultures, dans leur diversité, variété et richesse, devient une réalité qui interpelle tout le monde. Autrement dit, le relativisme culturel montre qu’une culture n’en est une, véritablement, que lorsqu’elle s’identifie à elle par rapport aux modes d’être des autres sociétés. Une culture perd son essence si, par rejet, mépris ou exclusion, qui, sous forme idéologique, renvoient à l’ethnocentrisme européo-centrique, s’auto-proclame la culture de l’Humanité, la référence en terme de culture dans le monde. L’intelligibilité des cultures, leur portée humaine, les condamne à l’ouverture et à l’acceptation des autres en tant qu’ils sont différents. Chaque peuple, nous apprend le relativisme culturel, a sa propre manière d’être et de se représenter le monde (religions, langues, croyances, valeurs, aspirations, normes, etc.). C’est, sous cet angle, qu’apparait toute le richesse culturelle de l’Humanité. Mais, un tel constat poserait problème quant à l’unité même du genre humain. Comment comprendre, dans le pluralisme socio-culturel, les idées d’ « homme universel », de « citoyen du monde », de l’ « unité de l’homme » ? Au-delà du défférentialisme culturel, est-il possible de retrouver une essence humaine, une constante dans cette multiplicité de cultures disponibles ? Est-il légitime de chercher, au-delà des hommes, l’Homme ? Ces questions reprennent la fameuse question : Existe-il une nature humaine ?
Avec les résultats des enquêtes ethnologiques et anthropologiques, il est légitime de soutenir : l’homme est un être de culture. C’est sa nature qui le porte à nier le « déjà-là ». Il refuse sa naturalité et celle des choses. L’homme est ainsi négation de l’animalité. Il tend à une valeur sinon à une mise en valeur  du naturel par le biais d’une activité, négatrice, productrice et transformatrice appelée du nom de travail qui, somme toute, renvoie à la « culture ». Contrairement à l’animal, l’homme est un être qui cherche toujours à se dépasser pour une meilleure prise en charge de soi. A interroger toutes les cultures, dans leur diversité, leur variété et richesse, on retrouve l’idée de refus du simple naturel (Bataille). Elles font toutes la remarque selon laquelle la nature souffrirait d’un certain manque dont l’artéfact, l’autre nom pour dire le culturel, serait le palliatif.

Rien d’extraordinaire, seulement des généralités sur la notion de culture.
Un peu de sérieux quand on parle du culturel !


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